L’Orage

Il m’arrive parfois d’égarer l’un ou l’autre livre parmi les volumes de ma bibliothèque. Ce matin je suis tombé sur un roman de Georges-Arthur Goldschmidt, Le miroir quotidien, qui ne se trouvait pas à sa place parmi des livres sur les mythes. Je ne me souvenais pas l’avoir jamais lu, mais en l’ouvrant j’y trouvai un feuillet sur lequel j’avais noté: p. 19, L’orage, belle description, dictée ! – Pour le reste, c’est un livre illisible d’un garçon juif tragiquement poursuivi par ses souvenirs des camps de concentration et de sa fuite effarouchée devant les bourreaux nazis qui voulaient sa peau.

Aujourd’hui, 79 ans après la mort d’Hitler, la danse de la haine reprend. Gaza périt. Le président russe nous menace de la bombe atomique. Trump avance ses pions. C’est à désespérer de la race humaine. La haine explose autour de nous et replonge la civilisation dans la bêtise et la méchanceté. Sommes-nous en train de retomber dans les ténèbres ?

Was die Erfahrung aber und die Geschichte lehren, ist dieses, daß Völker und Regierungen niemals etwas aus der Geschichte gelernt (…) haben. (Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte, 1924)

Dictée :

L’orage

Il était passé devant une boutique de bouquiniste éclairée par des ampoules. Pour trois francs il avait acheté, sans trop savoir pourquoi, une dizaine de cahiers du Monde illustré de 1857. Une gravure entrevue en feuilletant l’avait fasciné : un orage s’était abattu sur Paris. Par-dessus la ville s’étendait un ciel si sombre qu’on avait envie de l’effleurer de la main. Il avait recopié le texte qui accompagnait la gravure :

« Le mois de juin s’est fait remarquer cette année par ses orages. C’est sur l’Ouest de l’Europe, et particulièrement en France, en Belgique et en Angleterre que se sont concentrés ces faits météorologiques. Celui qui éclata sur Paris le samedi 20 juin à neuf heures du soir a été l’un des plus violents. L’atmosphère avait été toute la journée d’une chaleur excessive; pas un souffle ne circulait dans l’air, même sur les quais. A six heures du soir les vapeurs qui chargeaient déjà l’horizon dans le sud-ouest se condensèrent en nuages sombres où vers sept heures et demie brillèrent les premiers éclairs ; les nuages s’élevèrent alors avec rapidité, la foudre se fit entendre, un vent frais s’éveilla dans le ciel d’où la pluie tomba presque aussitôt en larges gouttes; un instant après l’orage grondait dans toute sa force. L’aspect qu’offrait en cet instant Paris contemplé des terrasses de la rue de l’Ouest était aussi imposant que terrible. La pluie tombait à torrents; l’obscurité était complète. De longs éclairs sulfureux qui, coup sur coup, sillonnaient les nuages, illuminaient les tours, les dômes, toutes les sommités de la ville de la manière la plus étrange, et Paris n’apparaissait subitement inondé de ces clartés fantastiques que pour retomber dans les ténèbres. »

De Storm

Hij was langs het met lampen verlichte kraam van een antiquaar gepasseerd. Voor drie frank had hij, zonder eigenlijk te weten waarom, een tiental nummers van de Monde illustré van 1857 gekocht. Een gravure die hem toevallig opviel onder het bladeren had hem aangegrepen: een storm die over Parijs was losgebarsten. Over de stad strekte zich een zulkdanig sombere hemel uit dat je zin had om er met je hand over te wrijven. Hij had de tekst die bij de gravure stond overgeschreven:

“De maand juni onderscheidde zich dit jaar door zware stormen. Het is over West-Europa, en in het bijzonder over Frankrijk en België en Engeland dat die meteorologische verschijnselen zich voornamelijk hebben voorgedaan. De storm die over Parijs losbarstte op zaterdag 20 juni om negen uur ‘s avonds was één der zwaarste. De hele dag had een uitzonderlijke hitte geheerst; er was geen zuchtje wind te bespeuren, zelfs niet langs de oevers van de Seine. In het zuidoosten trokken rond zes uur de donkere nevels samen tot zware donderwolken, waaruit rond halfacht de eerste bliksems wegschoten; de wolken stapelden zich zienderogen op, de donder liet zich horen, een frisse wind stak op, en de regen viel neer in dikke druppels ; een ogenblik later woedde de storm in alle hevigheid. Vanop de terrassen van de rue de l’Ouest was het zicht op Parijs even imposant als angstaanjagend; de duisternis was compleet. Lange schroeiende bliksemschichten, die zonder ophouden hun spoor trokken over de wolken, verlichtten de torens en de koepels en de grillige horizon van de stad op de vreemdste wijze. Parijs dook in die fantastische lichtflitsen plotseling op uit de duisternis, om dan onmiddellijk weer in het totale donker te verdwijnen.”